Extraits du livre du Dr Paul Tournier 

RENONCER SANS DEMISSIONER : p 227...Dans une étude remarquable sur la psychologie du vieillissement, un psychiatre parisien, le Dr Dublineau résume bien le problème que je traite ici. Il s'agit, dit-il «de savoir comment renoncer, sans avoir à démissionner». Oui, il y a des renoncements difficiles; oui, il y a des dépouillement, des frustrations. Je faisais, il y a quelques années, beaucoup de choses que je ne peux ou ne dois plus faire aujourd'hui; et j'en fais aujourd'hui que je ne pourrai plus faire dans quelques années. Oui, il y a dans la vieillesse des diminutions, un «moins».

Mais cette limitation de la vie n'implique nullement une démission. Tous les renoncements qu'exige la vieillesse sont de l'ordre de l'action, et non pas de l'ordre du cœur et de l'esprit; ils sont de l'ordre du «faire» et non de l'ordre de l'«être». Je vis autrement, je ne vis pas moins. La vie est différente, mais elle demeure pleinement vie, plus épanouie même. Mon intérêt et ma participation au monde ne baissent pas, mais grandit. Dans une déclaration bien connue, le général Mac Arthur disait en 1945 :«On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d'années: on devient vieux parce qu'on a déserté son idéal. Les années rident la peau, renoncer à son idéal ride l'âme. Les préoccupations, les doutes, les craintes et les désespoirs sont les ennemies qui, lentement nous font pencher vers la terre et devenir poussière avant la mort».

On peut vivre intensément encore en avançant en âge. S'il y a un «moins», il y a aussi un «plus», et c'est ce «plus» de ma vieillesse qui lui donne son sens et que je dois tenter de préciser ici. On ne perd quelque chose que pour pouvoir en acquérir une autre. Il y a quelque chose à découvrir dans la vieillesse, un aspect de la vie qu'on ne pouvait connaître avant…

… le vieillard affranchi de la concurrence professionnelle et sociale, peut s'ouvrir à de plus larges horizons. Ce passage du particulier à l'universel me paraît le plus grand avantage du passage de la vie active à la vieillesse, et c'est dans ce contraste que je trouve un sens à la vieillesse. Pendant la période la plus active de sa vie, l'homme doit affronter des tâches pressantes. Sa carrière, sa spécialisation, sa réussite professionnelle, économique et sociale, celle de son mariage, l'éducation des enfants et beaucoup de conflits captivent son attention et son énergie. Il s'en évade bien de temps en temps par quelque lecture, quelque loisir, quelque prédication ou quelque réflexion. Mais il n'a pas beaucoup de temps ni l'esprit assez disponible pour se complaire dans des problèmes étrangers à ses intérêts immédiats. Le sens de la vieillesse m'apparaît alors comme une libération de ses intérêts immédiats et comme une occasion d'élargissement du cœur.

P 239… Ceux qui sont largement ouverts, compréhensifs, rayonnant d'amour gratuit, généreux , authentique, exempt d'envie et de jalousie, qui donnent, même sans rien faire, même sans rien dire, vie, consolation et courage à quiconque les approche. Le sens de la vieilles pour moi, c'est cette sublimation de l'instinct de puissance.

Qu'est-ce que cela signifie pratiquement ? Cela signifie un déplacement de l'ambition. Renoncer à toute ambition, c'est le refoulement et non pas la sublimation. C'est une sorte de mort prématurée, car l'ambition est un caractère même de la vie. Mais l'ambition peut se déplacer d'un objet sur un autre. Au lieu d'avoir l'ambition d'être puissant par le rang et la fonction qu'on occupe, par le droit de juger et de commander par le droit qu'elle confère, on peut avoir l'ambition d'être puissant par soi-même, par sa personne, par le rayonnement spontané qui émane de ce qu'on est soi-même,. Non plus l'ambition d'une autorité hiérarchique, mais d'une autorité morale, toute personnelle, non plus contraignante, mais libérale.

Il y a un personnage biblique (1 Rois 19:9-16) dont l'expérience est éloquente à cet égard. S'il y a eu un prophète puissant, c'est bien Elie. A lui tout seul il a égorgé quatre cents cinquante prophètes du faux dieu Baal. Il a fait éclater la puissance de Yahvé par beaucoup de miracles. C'est en plein triomphe, mais menacé par la reine Jézabel qu'il s'en va au désert. Est-ce que tant de prodiges ne serviraient à rien ? Il est déprimé, il souhaite mourir ! C'est une vraie crise de retraite. Alors Yahvé vient à sa rencontre . Il le place dans une grotte et lui annonce qu'il va se révéler à lui. Un ouragan passe, mais Yahvé n'y est pas. Un tremblement de terre secoue la montagne, mais Yahvé n'y est pas. Puis un feu, mais Yahvé n'y est pas. Enfin, Elie entend le bruit d'une brise légère, et il reconnaît son Dieu, et il se voile la face.

Alors Yahvé se comporte en psychothérapeute. Il fait sortie Elie de sa grotte et l'aide à confesser son zèle jaloux, sa rage, son agressivité contre son peuple. Yahvé ne lui reproche pas d'avoir combattu comme un ouragan, comme un tremblement de terre et un feu. C'était sa vocation au temps de la force de l'âge. Mais il l'invite maintenant à passer l'épée à Elisée, à le désigner «comme prophète à ta place». Et, il révèle à Elie qu'il pourra encore servir son Dieu d'une toute autre manière, avec la douceur d'une «brise légère».

P 263 … La foi chrétienne, n'est pas de refouler son angoisse pour paraître fort, c'est au contraire reconnaître sa faiblesse, c'est accepter sa vérité intérieure, confesser son angoisse… et croire quand même, c'est à dire mettre notre confiance non pas dans notre propre force, mais dans la grâce de Dieu…

Je ne viens donc pas dans ce livre avec des consolations utopiques. Certes je cherche affectueusement, avec le secours de la foi et de la psychologie, à alléger le poids d'angoisse qui pèse sur tous ceux qui viennent me voir. Mais je sais qu'il en restera toujours, consciente ou non, notamment devant la mort. Et je crois qu'il y a plus de paix à trouver dans l'acceptation de l'angoisse humaine que dans un rêve de vie et de vieillesse exemptes d'angoisse. La mort demeure un monstre redoutable et cruel. La Bible dit que ce sera le dernier ennemi qui sera vaincu (1Corinthiens15 :26). Jésus lui-même ne l'a vaincu qu'en l'acceptant et en acceptant l'angoisse….

P 264 … Ce qui me paraît grand, salutaire, dans la mort, c'est cette égalité entre tous les hommes qu'elle réalise, cette égalité que nous professons et réclamons, et que nous nions nous-mêmes constamment par nos préjugés. Non seulement l'égalité entre les riches et les pauvres, entre les puissants et les faibles, entre les noirs et les blancs, mais encore entre les croyants et les incroyants. Pourtant, qui de nous, croyant ou non, n'a pas rêvé, par une sorte de coquetterie, de donner par sa mort un spectacle édifiant ?

La mort est vraiment la minute de vérité qui confond toutes nos vaines catégories. Ce ne sont pas nos idées préconçues qui sont surprises par des réactions inattendues, mais naturelles. Il y a un facteur physique dans l'angoisse de la mort qui nous rappelle que nous ne sommes pas des esprits purs, en dépit des plus belles envolées de nos doctrines. C'est cette faiblesse animale de l'homme qui nous vaut la compassion de Dieu et non pas nos vertus spirituelles. C'est bien avant la mort qu'il faut le comprendre.

Toutefois, à l'instant de la mort, l'angoisse est beaucoup plus rare que la plupart des gens ne le pensent et ne le craignent. L'excellente revue Présences, revue du monde des malades, a publié un article d'un médecin italien, Dr Rovasion qui décrivait de façon pathétique la terreur des mourants, et notamment des religieux mourants, comme si elle était générale. Cela a valu à la rédaction une pluie de réponses émanant de ceux qui assistent les mourants…. «La mort, écrit par exemple le Dr Ducret, ne représente que fort exceptionnellement l'aspect du désespoir tragique» dont parle l'auteur italien. Ils doutent tous que celui-ci ait vraiment beaucoup d'expérience des mourants.

Ce dont tout homme à le plus grand besoin, c'est de ne pas être seul face à la mort, comme si une présence humaine, même incrédule, était le gage de la présence divine. Une présence silencieuse, discrète, respectueuse, mais une présence réelle, une présence du cœur, une participation. Le médecin américain Eissler l'a dit admirablement dans son ouvrage : Le psychiatre et le mourant :«ce qu'on peut vraiment faire pour un mourant, c'est de mourir avec lui»….

LA VICTOIRE DE LA FOI
Page 273… Je reçois tout juste une lettre de mon vieil ami le Dr Théo Bovet… qui vient de perdre sa femme après 51 ans de bonheur conjugal. «Mon expérience actuelle, m'écrit-il, c'est que la Vie Eternelle ne commence pas après la mort, mais que nous la vivons dès à présent; seulement elle est masquée par les soucis journaliers, et ce n'est qu'au contact de la mort, peut être, que nous la découvrons. Dieu n'est pas un Dieu des morts mais des vivants, car pour lui ils sont tous vivants. Ce qui fait, ajoute-t-il, qu'à mon plus grand étonnement je suis plein de joie, malgré ma tristesse.


Oui, la vie éternelle commence déjà ici bas. Vivre avec Dieu, c'est participer déjà à son éternité. Celui qui a un pied dans l'infini peut accepter la finitude. Et ce pas décisif, cette naissance à la vie éternelle, on peut le faire bien avant la vieillesse et l'approche de la mort…

…Aujourd'hui même je reçois encore une lettre d'une de mes anciennes malades, qui a perdu, elle, récemment son père auquel elle était profondément liée et qui avait atteint un grand âge. «En moi, m'écrit-elle, un élément d'équilibre se fait jour, à un autre niveau, m'apportant une précieuse lumière intérieure, c'est la leçon de la mort qui ouvre la porte aux vraies réalités, donnant à la vie son vrai sens et sa vrai lumière… voilà ! Mon père en nous quittant, à ouvert une porte vers laquelle je regarde plus souvent, heureuse de penser qu'il y a là un but lumineux et un sens à l'aventure de notre vie.» Vous remarquerez que l'image de la lumière revient trois fois dans ces quelques lignes pourtant dans le deuil profond…

Page 280… Saint Paul a écrit (1 Corinthiens 15 :35-44) :«Mais dira-t-on, comment les morts ressuscitent-t-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé, ! Ce que tu sèmes, toi, ne prend vie s'il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n'est pas le corps à venir, mais un grain tout nu, du blé par exemple, ou quelque autre semence; et Dieu lui donne un corps à son gré… Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts, on sème la corruption, il ressuscite de l'incorruption ; on sème de l'ignominie, il ressuscite de la gloire ; on sème de la faiblesse, il ressuscite de la force ; on sème un corps psychique , il ressuscite un corps spirituel.»

Saint Paul parle dans d'autres passages (Philippiens3 :21) encore de ce corps spirituel, incorruptible, glorifié. Son insistance à prononcer ce mot de corps, tout en disant bien qu'il ne s'agit plus du corps des anatomistes, est évidente. Elle signifie que la résurrection promise par l'évangile est une résurrection personnelle, une résurrection de la personne. Quand je dis que j'ai rencontré tel ou tel «en chair et en os» j'affirme que je l'ai rencontré personnellement, que j'ai identifié sa personne. Dans la résurrection, c'est cette identité personnelle qui se retrouvera.

Nous sommes donc loin de l'immortalité de l'âme telle que la professait Platon, qui voyait cette âme libérée enfin du corps dont elle avait été prisonnière, et retournant au royaume des idées pures. Nous sommes loin aussi des conception de l'Orient selon lesquelles l'individu, perdant son identité personnelle, se fond dans le grand tout. Je ne sais rien de la forme que prendra la vie dans l'au-delà, mais je sais que ce ne sera pas un monde désincarné, abstrait impersonnel, un monde d'idées, d'esprits purs et anonymes, ou de fantômes. Je sais que je garderai mon identité personnelle, et que j'y retrouverai, par exemple, mes parents que j'ai si peu connus, avec leur identité personnelle ; que c'est même, ici-bas, dans la relation personnelle, dans la relation de personne à personne, quand elle est véritable, que je trouve un avant goût du ciel.

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