L'Arche de Noé

«Si l'on découvrait une fois l'arche de Noé sur le Mont Ararat, ce serait à coup sûr la plus grande découverte archéologique de tous les temps; et ce seul fait justifie la poursuite des recherches». Ainsi s'exprimait, il y a quelques années, le Dr Gilbert Grosvener, de la rédaction du National Geographic Magazine de Washington. De son côté, le Dr Eryk Cummings, véritable spécialiste de cette recherche, puisqu'il a organisé plusieurs expéditions vers l'Ararat ces dernières années, déclarait récemment : «Bien que l'on ne dispose aujourd'hui d'aucune preuve concrète et irréfutable de la présence de l'arche de Noé sur le Mont Ararat, l'abondance des récits publiés à ce sujet nous pousse à cette déduction : où il y a tant de fumée, il doit y avoir du feu».

Bien sûr, notre foi en l'Écriture sainte, en particulier au récit du déluge, n'a pas besoin de faire appel à une découverte archéologique sur les flancs du Mont Ararat. Néanmoins, en nos temps du Fils de l'homme, que le Seigneur compare aux jours de Noé (voir Matthieu 24:37 ; Luc 17:26), pourquoi Dieu ne permettrait-il pas que nous passions des hypothèses aux certitudes au sujet des vestiges de l'arche de Noé sur l'Ararat, pour qu'une éclatante confirmation de l'authenticité du récit biblique soit apportée à notre génération agnostique et incrédule?

La recherche de l'arche de Noé remonte à la plus haute antiquité. Le prêtre chaldéen, Berose (475 avant Jésus-Christ), raconte que des habitants de la région de Caucase «grattaient le revêtement de bitume de l'arche de Noé qu'ils avaient retrouvée pour s'en faire des contrepoisons et des talismans». Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, Nicolas de Damas, Jérôme et Théophile d'Antioche, évoquent successivement les restes de l'arche demeurée intacte sur l'Ararat. En 330, le moine Jacob tente l'ascension de la célèbre montagne et en ramène un fragment qui sera précieusement conservé, comme relique, dans le monastère d'Etschmiadzin jusqu'en 1829, date de la destruction de ce monastère par un tremblement de terre. Au 13e siècle, Marco Polo cite des voyageurs qui auraient contemplé des vestiges de l'arche.

En juillet 1840, une éruption soudaine ouvre une brèche sur les flancs de l'Ararat : une coulée de lave anéantit le village de Ahora, situé sur le flanc nord-est de la montagne. À la suite de cette catastrophe, les autorités turques envoient des équipes d'ouvriers dans la montagne pour établir des barrages de protection. L'une d'elles découvre alors, à fleur d'un glacier, «les restes d'un très grand navire dont la partie accessible était divisée en trois chambres».
1856 :Trois savants britanniques font l'ascension de l'Ararat. Ce sont des incrédules; ils ont entrepris leur expédition, un peu dans l'intention de démontrer le caractère mythologique du récit du déluge. C'est un été particulièrement chaud : la glace a fondu de façon inhabituelle dans la partie supérieure de la montagne. À leur étonnement, les trois alpinistes tombent fortuitement sur les vestiges d'un très grand navire bloqué dans les glaces. Ils peuvent même entrer dans le bateau et en explorer l'intérieur. Furieux de leur trouvaille, ils essaient de la détruire, mais le bois refuse de brûler. Il est aussi trop dur pour qu'ils puissent en arracher les parties. Les trois savants s'engagent alors sous serment à ne jamais faire allusion à leur découverte. Deux arméniens, un père et son fils de 16 ans, les ayant accompagnés dans cette ascension, ils les contraignent à garder le silence, les menançants même de torture si, par la suite, ils devaient trahir leurs promesses.

De nombreuses années s'écoulèrent mais les deux arméniens n'oublièrent pas. Puis le père mourut et Haji, le fils, fut gagné à l'Évangile par un missionnaire venu dans la région. Au moment des persécutions turques contre les Arméniens, Haji émigra aux États-Unis. Affecté d'une grave dysentrie, il fut transporté d'urgence à l'hopital d'Oakland, en Californie; là, il rencontra le pasteur Harold Williams, fonctionnant comme infirmier dans l'établissement. Croyant sa dernière heure arrivée, Haji raconta l'histoire, vieille de soixante ans. Au moment même, Williams n'y prêta pas trop attention. Mais en 1918, un journal à grand tirage publia un récit évoquant la même découverte; c'était le témoignage de l'un des trois savants britanniques corroborant les faits. Le dernier survivant de l'expédition était devenu croyant à la fin de sa vie et faisait amende honorable en racontant son expérience de 1856, ce qui suscita, un peu partout, un vif intérêt.

1876 :James Bryce, membre de la Société de Géographie Royale de Londres, fait l'ascension du Mont Ararat et aperçoit parmi des blocs de lave, «une pièce de bois d'environ 1 mètre de long et 20cm d'épaisseur, visiblement taillée à l'aide d'un outil». De retour en Angleterre, il raconte sa trouvaille à la Société de Géographie. Cependant, un célèbre orientaliste, Sir Henry Rawlinson, le tourne en ridicule devant toute l'assistance, prouvant par des arguments apparemment irréfutables que l'Arafat de la Bible ne saurait correspondre au Grand-Ararat de la Turquie orientale.

En 1883 : une avalanche dévaste les flancs de la célèbre montagne. Le gouvernement turc ordonne une enquête et fait appel à un glaciologue britannique nommé Gascoyne. Lors d'une excursion, l'explorateur observe à son étonnement «les restes d'un antique vaisseau pris dans la glace». Des journalistes s'emparent de l'information et veulent en tirer un document à sensation; mais un article du New-York Times signé par un savant réputé fait «crever ce ballon d'essai» «L'arche de Noé est un mythe et doit le rester». Il faut dire que c'est l'époque du triomphe aveugle de la raison sur la foi ...

1887 : L'archidiacre Nourri, de l'Église orthodoxe, entreprend l'ascension de la montagne. À son tour il découvre les vestiges de l'arche «formée de poutres d'un rouge sombre d'un bois très épais». Quelques années plus tard, on l'invite à rendre compte de sa trouvaille au congrès du Parlement Mondial des Églises. Son rapport suscite suffisamment d'enthousiasme pour que l'on fonde, aux États-Unis, une société chargée de financer une expédition au Caucase, dont l'objectif est particulièrement audacieux : redescendre l'arche de Noé de la montagne et la transporter outre-Atlantique pour qu'elle devienne l'attraction principale de la Foire Internationale de Chicago en 1896 ! Mais l'argent manque; de plus, pour la petite histoire, le gouvernement turc refuse «l'autorisation d'exporter l'arche, au cas où on la trouverait», si bien qu'elle tombe à nouveau dans l'oubli. Quant à l'archevêque Nourri, il est frappé d'artériosclérose et doit être soigné en clinique; il n'en faut pas d'avantage pour que des gens mal intentionnés taxent de folie ceux qui veulent ressusciter la «légende de Noé».

Août 1916 : Un aviateur russe, Vladimir Roskovitsky (Zabaolotsky, selon d'autres rapports) est chargé d'une mission de reconnaissance à la frontière turque; il observe alors un lac gelé sur le versant oriental du Grand-Ararat. Il s'en approche quelque peu et croit reconnaître la carcasse d'un gigantesque navire. Son information suscite la curiosité de ses supérieurs; le capitaine Koorbatoff survole à son tour la région et confirme les faits. Il fait rapport au tsar, l'empereur Nicolas11, qui ordonne immédiatement une expédition terrestre. Une compagnie de soldats est affectée à cette recherche et une mission scientifique se joint à l'expédition qui parvient à l'emplacement signalé, prend des photographies et ramène un précieux butin. Mais la révolution de 1917 éclate et ces inestimables documents sont égarés et détruits dans la tourmente qui balaie la Russie.

Vers cette époque (1916-17), Jacob Radtke, un Allemand servant dans l'armée Russe engagée contre les Turcs, entreprend avec un groupe de soldats l'ascension de l'Ararat. Au cours de leur escapade, ils aperçoivent au-dessus d'eux les restes d'un très grand bateau, mais n'ont pas la possibilité de s'élever jusqu'à lui. Radtke, agriculteur en Bessarabie, gardera son secret pendant près de cinquante ans. Ce n'est qu'à l'âge de 62 ans qu'il racontera son histoire à Eryl Cummings. Il faut attendre 1936 pour entendre à nouveau parler de l'arche sur le Mont Ararat. Un archéologue néo-Zélandais, Hardwicke Knight, recherche les vestiges d'un antique monastère dans la gorge d'Ahora; mais à son grand étonnement, il découvre les restes d'une épave, c'est-à-dire «quelques poutres de bois très dur prises dans les glaces», le mauvais temps l'empêche de poursuivre son enquête.

1943 : Le journal de l'armée américaine «Stars and Stripes» publie un étrange reportage : deux pilotes de l'armée de l'air qui s'envolèrent d'Erivan, en Russie, pour se rendre en Tunisie, ont aperçu, en passant au-dessus de l'Ararat, «un grand bateau à moitié immergé dans un petit lac à très haute altitude». Vers la même époque, le major Jasper Maskelyn, chef des services soviétiques de camouflage, cite les exploits de l'un de ses hommes qui a repéré les décombres d'un antique navire sur l'Ararat. Consécutivement à son rapport, une expédition terrestre est décidée et elle retrouve, près de la frontière turque, «les restes d'un vaisseau ancien dont le bois avait, par endroits, l'apparence du charbon».

1948 : Un paysan kurde nommé Rashit remarque à son tour, dans la partie supérieure de l'Ararat, un objet qu'il prend pour la proue d'un navire pris dans les glaces. Il essaie d'en prélever un fragment, mais le bois est trop dur; son témoignage paraît dans certains journaux. Alerté, un groupe de chrétiens organise une expédition pour l'Ararat; parmi eux, un ancien officier de l'armée britannique, un archéologue, un missionnaire rentré de Chine, un mécanicien, un photographe et un physicien. Mais, parvenu à Ankara, les autorités leur refusent la permission de pénétrer en zone frontière. Décidément, l'Ararat défend bien ses secrets ... Mais d'autres alpinistes vont prendre la relève. Il nous faut maintenant parler de Fernand Navarra et revenir quelques années en arrière. Alors qu'il effectuait son service militaire au Liban, en 1937, il entreprit l'ascension de l'Hermon avec son ami Alin, un jeune Arménien; ce dernier eut le mal des montagnes et crût sa dernière heure arrivée, ce qui le conduisit à faire d'étranges confidences à Navarra; son grand-père, né dans la région du Grand-Ararat, l'avait chargé, en son temps, d'une tâche bien spéciale : retrouver l'arche de Noé que lui-même avait aperçue. Si Alin ne supportait pas l'altitude de l'Hermon (2730 m), que serait-ce sur l'Ararat (5156 m)? Sentant ses limites, il transmit sa mission à Navarra qui n'oublia pas l'incident. Dès lors, ce dernier n'eut qu'un désir : retrouver l'arche. Il doit cependant attendre l'année 1952 pour organiser sa première expédition à l'Ararat. Pendant quinze jours, Fernand Navarra scrute les flancs de la montagne. Un jour, il croit voir de loin une masse sombre au fond d'une paroi à pic. Qu'est-ce ? Les débris d'un avion ? Ou bien les vestiges de l'arche de Noé reposant dans un endroit apparamment inaccessible ?

Juillet 1953 : Deuxième tentative. Navarra et son camarade Seker retrouvent cette étrange masse sombre. Ils parviennent à s'en approcher d'une centaine de mètres et prennent des photos. Mais le temps se gâte et ils doivent battre en retraite. L'hiver suivant, Fernand Navarra fait des conférences au Palais de Chaillot à Paris. Aux yeux du personnel de l'Ambassade du gouvernement d'Ankara à Paris, ses films font d'avantage ressortir la misère et la pauvreté de la population que les réalisations techniques de la République Turque. Désormais, le visa d'entrée dans la zone militaire de l'Ararat lui sera refusé... Qu'importe en 1955, Navarra organise une troisième expédition, clandestine cette fois. Il part avec sa famille passer des vacances dans la région de Trébizonde, sur les rives de la mer Noire. Puis, accompagné de son fils de 12 ans, il réussit à pénétrer, incognito, en zone militaire où il passe inaperçu. Cette fois, le père et le fils parviennent à la fameuse masse sombre repérée précédemment; une échelle de cordes leur a permis de descendre par une profonde faille creusée entre deux rochers et d'aboutir transversalement au glacier, par une grotte. De son piolet, Navarra touche l'extrémité d'une poutre noire qui gît là, rivée dans la glace.Ce n'est pas un tronc d'arbre mais une pièce bien équarrie, visiblement taillée à l'aide d'un outil. Impossible de l'ébranler. De sa hache, il en coupe un bout d'environ 1 m 50 et, après avoir tiré une série de photos, il scie la poutre en trois parties que le père et le fils ramèneront en plaine. De retour en Europe, Navarra prend la précaution de faire analyser au carbone 14 les morceaux de bois ramenés de l'Ararat. Il n'en a pas indiqué la provenance aux laboratoires sollicités : Bordeaux, Madrid et Paris, mais les analyses de ces trois établissements concordent : l'origine de ces poutres remontent à une période se situant entre 3000 et 5000 années, ce qui peut correspondre à la date du déluge. Cependant, Navarra ne s'en tiendra pas là; il envoie quelques fragments de ce bois aux États-Unis. L'Université de Pennsylvanie leur attribue une origine beaucoup plus récente : entre le 4e et 5e siècle de l'ère chrétienne. Il n'en faut pas davantage pour que les découvertes de Navarra soient disqualifiées. Ce qui ne l'empêche pas d'écrire un livre intitulé : «J'ai trouvé l'arche de Noé». Au cours de ses conférences, Fernand Navarra montre des photos saisissantes, puis il remet volontiers en souvenir, à ceux qui le demandent, des esquilles de bois prélevées sur les fameuses poutres ramenées de l'Ararat; plusieurs serviteurs de Dieu les ont utilisées à leur tour pour tenter de convaincre leurs auditoires de l'historicité du déluge. Bien que je ne sois pas un collectionneur de reliques, j'ai dans mon bureau deux petits fragments de ce bois, qui me sont parvenus par des cheminements différents.

1958 : Le gouvernement turc établit une cartographie de la région; de nombreuses photos sont prises d'avion. Les techniciens chargés d'analyser ces photos à l'université de Columbus y décèlent un curieux objet d'environ 150m de long et 50 m de large. Le Fonds de Recherches Archéologiques à Washington s'y intéresse. Une expédition est organisée en 1960. Parvenus à pied d'oeuvre, les alpinistes repèrent d'extraordinaires formations volcaniques rappelant la forme d'un navire. Ce n'est donc toujours pas l'arche de Noé. Des expéditions successives sont organisées par les Américains dans les années 1962, 1963 et 1966. Chacune d'elles se solde par un échec. Puis la fondation SEARCH, s'assure du concours de Fernand Navarra pour son expédition de 1969. Après pas mal de péripéties, les alpinistes parviennent à l'emplacement repéré quinze ans auparavant, retrouvent des restes de poutres à moitié calcinées et en ramènent plusieurs échantillons aux États-Unis. Cette fois F. Navarra est réhabilité, ses trouvailles sont pleinement justifiées et plusieurs journaux évangéliques des E.U. reproduisent avec enthousiasme les photographies en couleurs de ces bois vieux de cinquante siècles. Il semble vraiment que l'arche de Noé a été retrouvée ...

1970 à 1974 : Ces cinq années voient chacune une ou plusieurs expéditions américaines fouillant les pentes supérieures du Mont Ararat. Les récits publiés font état d'une succession d'échecs : mauvais temps, avalanches, refus des autorités du visa d'entrée en zone militaire, attaques des camps par les chiens furieux des bergers kurdes et même menaces de loups signalant leur présence à proximité des tentes des alpinistes. Quant à l'expédition suédoise organisée en 1973, elle n'a pas davantage de succès. Cette même année, les photos de la région de l'Ararat sont prises par satellite; les observateurs signalent la présence d'un curieux rectangle décelable sur l'un de ces documents. L'un des promoteurs de la société SEARCH, qui vient de rentrer de l'Ararat, est invité à examiner la photo. Mais, nouvelle déception, ce curieux objet ne se situe pas dans la partie turque de l'Ararat, mais sur une montagne voisine, en Iran. Il faudrait donc entreprendre des recherches dans une nouvelle direction. Signalons encore l'expédition de Tom Crotser, 1973, organisée au nom d'un groupe d'églises du Texas, qui aurait rapporté des photos d'une épave où l'on pourrait reconnaître la proue d'un bateau coinçé dans une crevasse. En plein optimisme, Crotser affirme : «Nous avons trouvé l'arche, ainsi que les restes d'un village fondé par Noé et sa famille, à proximité de la montagne». Faute de confirmation, il est difficile de vérifier ces dires, surtout que les rapports en provenance de l'Ararat montrent bien qu'une élémentaire prudence s'impose ... Effectivement, des fauteurs de trouble s'en sont mêlés. La Holy Ground Mission, groupe fanatique aux états-Unis, a signalé sa présence à l'Ararat en 1974; n'ayant rien trouvé qui soit digne d'intérêt, elle a publié dans son journal des photos des expéditions précédentes en proclamant à son tour : «Voici l'arche de Noé». De même, l'organisation TRACE (association des Écritures), dont le siège social est à Lyon, a fait une publicité tapageuse autour de l'arche. Certes, de bons chrétiens ont soutenu les efforts de cette société et ont été dupes de ses intentions réelles. Car, pour l'association TRACE, les trouvailles effectuées sur le Grand-Ararat n'ont d'importance que pour annoncer indubitablement le déluge du feu universel, fixé arbitrairement à 1974 (!); en dernier ressort ces menaces devaient confirmer les théories des Témoins de Jéhovah ! Tout cela ne peut, évidemment, que nuire à la cause des Écritures Saintes ... Il me semble que cette enquête ne serait pas complète si je ne signalais trois découvertes inédites effectuées sur la face nord-nord-est du Mont Ararat, c'est-à-dire dans une région quelque peu différente de celle où les recherches se sont concentrées pendant tant d'années.

Le premier de ces témoignages date de 1953. C'est celui de Georges Greene, un géologue américain qui survola le Mont Ararat en hélicoptère. Il observa, dans cette partie de la montagne, un curieux objet allongé, bloqué sur le contrefort d'une paroi de rochers et prit un certain nombre de photos. Une trentaine de personnes les examinèrent et s'intéressèrent vivement à son rapport. Aux dires de Greene, le prétendu navire se trouvait à environ 4,300 m d'attitude, dans une région pas nécessairement dégagée de neige chaque année. Malheureusement, Georges Greene périt dans un accident d'avion au-dessus de la forêt vierge en Guyanne et les documents photographiques se perdirent avec lui. Le deuxième témoignage date de 1970 puisqu'il fut enregistré par l'expédition SEARCH de cette année-là. Mais il évoque un épisode qui s'était déroulée en 1902; Georges Hagopian, un vieil Arménien, racontait son expérience de jeune garçon, lorsqu'il avait gravi l'Ararat avec son oncle. Il avait vu alors, très haut dans la montagne, «un énorme objet allongé au toit plat à moitié couvert de glace».L'Arménien évoquait même «une série de trous dans la partie supérieure» qu'il assimilait à une rangée de fenêtres, ce qui lui paraissait correspondre à la description biblique de Genèse 6:16. Ce témoignage pouvait paraître fantaisiste, mais il correspondait assez exactement au rapport de Georges Greene.

À la fin de cette même année 1970, on devait recevoir une troisième confirmation de l'existence d'un étrange navire suspendu sur la paroi nord-nord-est de l'Ararat, à environ 4,300 m d'altitude. Assistant à une convention chrétienne où un conférencier faisait état des rapports Greene et Hapogian, un médecin juif, le Dr Liedmann, fit une déclaration inattendue. Contemplant le croquis du conférencier, il lui assura que c'était bien là que se trouvait l'arche. Intrigué, le conférencier lui posa des questions et Liedmann fit un récit assez surprenant : «Mes parents vivaient en Russie d'où j'émigrai pour m'établir comme médecin en Suède. Après la 2e guerre mondiale, j'étudiai l'hématologie à l'université de Heidelberg. Je fis alors la connaissance d'un major soviétique de l'armée de l'air. Comme je parlais le russe, nous nous sommes liés d'amitié. L'officier soviétique m'a raconté alors certaines de ses expéditions au-dessus de l'Ararat et m'a montré des photos prises en 1947, sur lesquelles on apercevait distinctement «un bateau émergeant des glaces sur une longueur de 20 m». L'aviateur était lui-même persuadé qu'il s'agissait de l'arche de Noé. Lorsque je lui demandai si je pouvais emporter ces photographies, l'officier s'y refusa, prétendant qu'elles étaient la propriété de l'Union Soviétique. L'année suivante, nous nous sommes retrouvés à Hambourg. L'aviateur soviétique me montra une nouvelle série de vues prises lors d'un nouveau survol et confirma les mêmes faits. Mais je n'y attachai qu'une importance agnostique à ce moment-là, la prétendue découverte de l'arche de Noé ne présentait pas un grand intérêt pour moi. Plus tard, je me suis converti, et nous nous sommes rencontrés en 1953, mais cette fois l'officier soviétique, qui n'était pas seul et qui ne voulait en aucun cas se compromettre devant ses compagnons, prétendit ne rien savoir des découvertes précédemment signalées.

La similitude des descriptions de ces trois témoignages est frappante : tous trois concordent pour affirmer que le mystérieux objet est long et étroit, que son toit est plat et qu'il aurait une rangée de «fenêtres» alignées vers son centre. Ils s'accordent également sur le fait que l'objet est à moitié couvert par un névé d'où il émerge à divers degrés suivant l'enneigement de la saison. Enfin, tous trois le situent sur le flanc nord-nord-est de l'Ararat, à une altitude comprise entre 4,200 et 4,500 m. Comme on le voit, les découvertes effectuées sur le Grand-Ararat ne sont pas nécessairement convergentes. Selon le récit biblique, l'arche de Noé s'y est immobilisée lorsque les eaux du déluge s'abaissèrent. S'est-elle désagrégée au fil des siècles ? Les éléments, les éruptions volcaniques, les avalanches ou un tremblement de terre ont-ils contribué à disperser ces débris en diverses directions, ce qui expliquerait pourquoi on en trouve des vestiges en divers endroits ? Ou bien a-t-on retrouvé, sur les flancs de l'Ararat, les débris de quelque monastère orthodoxe, ou même quelque temple païen, précisément érigé là parce que dès l'antiquité on considérait l'Ararat (Masis, ou mère des mondes pour les anciens cartographes), soit demeuré inviolé jusqu'en 1848 ?

Aucune conclusion définitive ne peut donc être tirée jusqu'à présent de cette recherche pourtant passionnante. Dieu permettra-t-il qu'un jour une trouvaille irrécusable vienne prouver au monde l'exactitude des faits bibliques ? Nous pouvons l'espérer, ce qui nous empêchera pas de saluer avec circonspection toute information non confirmée émanant du Grand-Ararat. Souhaitons que, si des recherches archéologiques doivent se poursuivre sur l'Ararat, elles soient entreprises avec toute la rigueur scientifique qui s'impose et qu'elles échappent aux amateurs de sensations ou aux exploitant de la crédulité publique...     J. H. Alexander

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