Nature menacée et responsabilité chrétienne

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Nature et culture
On peut s'intéresser aux menaces qui pèsent sur l'environnement naturel au nom d'une vision passéiste des choses, en évoquant avec nostalgie une sorte de paradis d'harmonie entre l'homme et la nature. Cependant, pour l'humanité qui est entrée dans l'histoire, on ne peut parler de la nature en dehors de sa culture. Déjà dans le récit de la création de Genèse 2, il est dit que "le Seigneur Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Éden pour cultiver le sol et le garder". Et la nourriture attribuée à l'homme consiste en des plantes
cultivées. Alors que les animaux mangent des herbes sauvages, naturelles au sens strict, la nourriture assignée à l'homme est le résultat de la culture de la nature. La destination de la nature est d'être cultivée. C'est là le sens de l'ordre donné par le Créateur "Soyez féconds et multipliez, remplissez la terre et dominez-la" (Genèse 1,28).

Depuis l'avènement des temps modernes, on comprend généralement la domination sur la nature dans le sens de son exploitation : la nature est à la disposition de l'homme, y compris les animaux considérés comme des machines vivantes. Ainsi, pour Descartes, le philosophe du 17e siècle, l'homme est "maître et possesseur de la nature". Tout doit servir ses desseins. Dans notre économie de production et de consommation, c'est la rentabilité qui est le but. Reconnaissons que notre civilisation nous donne de grands bienfaits.

Le revers de la médaille
Les progrès de la civilisation occidentale ont pourtant un arrière-goût amer. Nous constatons aujourd'hui les conséquences de l'exploitation de la nature réduite à sa seule dimension économique : pour la nature elle-même et donc aussi pour l'homme. Car là où la nature est atteinte dans ses équilibres, c'est l'homme lui-même qui est atteint. Il suffit de penser aux conséquences d'un accident dans une centrale nucléaire (laquelle a une finalité pourtant pacifique, à la différence des armements nucléaires) pour mesurer les énormes menaces qui pèsent non seulement sur l'humanité, mais sur toute la terre.
Énumérons plus particulièrement quelques-uns des problèmes créés par l'exploitation de la nature :
- la dégradation de la santé de la nature : pollution de la terre, de l'eau, de l'air; extermination déjà intervenue de bien des formes de vie végétale et animale, jusqu'au dépérissement des forêts ;
- la barbarie objective de l'homme dans le traitement des animaux d'élevage destinés à l'alimentation et dans certaines expérimentations notoirement inutiles sur animaux ;
- la violence entre les hommes : la loi du profit produit des laissés pour compte (ceux qui ne sont pas rentables sur le marché de la production, des handicapés de toutes catégories aux chômeurs comme aux enfants non désirés) ;
- l'exploitation, sans contrepartie équitable, de matières premières et de richesses des pays du tiers monde ;
- la concentration de la puissance dans des centres de production et de décision concurrents (sociétés multinationales, blocs politiques...), mûs à la fois par la volonté de puissance et par la peur. Il en résulte une grande fragilité des peuples et des continents, une grande fragilité de la paix.
Tous ces problèmes sont liés entre eux, tout s'enchaîne. La violence contre la nature entraîne la violence contre l'homme. L'attitude des hommes au plan économique est dominée par la volonté de puissance. C'est toute la
manière d'être de l'homme, tout son comportement, et pas seulement sa santé physique, qui est en cause.

Nécessité d'un changement de mentalité
Dans les problèmes mentionnés, par-delà la santé physique de l'homme, il y va de la justice et de la responsabilité et ainsi de la santé morale et spirituelle.
La nature menacée, c'est l'homme menacé. L'homme a su vaincre des menaces naturelles, c'est ce dont il faut être reconnaissant ; mais il a suscité lui-même des menaces pour la nature et donc aussi pour lui-même. Tout ici est lié.
Mais, dira-t-on, l'homme n'a-t-il pas reçu de Dieu mission de dominer la terre et de l'exploiter ?
"Dominez la terre", l'affirmation de Genèse 1,28 est certes forte. "Dominer" implique une idée de violence. Mais la phrase doit se comprendre par opposition aux religions ambiantes qui vouaient un culte à la nature, qui l'idolâtraient. Elle veut alors dire : la nature n'est pas Dieu, l'homme est placé au-dessus d'elle. Mais en même temps l'homme est, selon Genèse 1, partie prenante de la nature. Il n'est pas sans elle, il la présuppose dans ses différents éléments. C'est pourquoi l'homme doit dominer la nature au sens où en Israël, le roi domine le peuple : le roi est aussi appelé le "berger" de son peuple. Dominer n'est pas être tyran, mais berger. La domination sur la nature implique
le respect de la nature, de ses équilibres fondamentaux, dans la culture même dont elle est l'objet. L'homme a pour mission de gérer la nature, créée par Dieu et appartenant à Dieu ; il doit rendre compte de sa gestion à Dieu.
Ne pas respecter la nature et ne pas respecter l'homme sont liés. Il faut ajouter : Ne pas respecter la nature et l'homme c'est également se détourner de Dieu. Aussi sommes nous aujourd'hui, en tant qu'humanité et en tant qu'individus, appelés à une véritable conversion, à un changement de mentalité qui veut s'inscrire dans les cœurs et dans les réalités.

La responsabilité des chrétiens et de l'Eglise
Le changement, pour urgent qu'il soit, ne peut se faire que dans et avec le temps. Il exige discernement, compétence et réflexion pour fonder de nouveaux comportements et une action. Cela ne peut se faire seul, mais seulement à plusieurs. C'est ici que l'Église et les chrétiens ont une responsabilité particulière : non pas être un groupe de pression parmi d'autres, mais être un lieu de dialogue, de témoignage et d'engagement ; participer au dialogue, là où il a lieu, et s'associer aux initiatives qui vont dans la direction d'une nouvelle conception des choses et d'une nouvelle pratique, comme le demandent la crise actuelle et surtout le témoignage biblique.
C'est parce qu'il croit en Dieu, créateur, et qu'il se sait responsable devant Dieu de la bonne gestion de sa création que le chrétien ne peut être un exploiteur de la nature, insensible aux conséquences écologiques de son exploitation. C'est parce qu'il est témoin de l'évangile d'amour du prochain et qu'il se sait solidaire de tous les êtres de la planète, aujourd'hui et demain, qu'il ne peut utiliser la nature à son profit exclusif et l'exploiter de façon égoïste. La marche est commencée pour tous ceux qui sont conscients de la problématique écologique ; il est essentiel de la poursuivre, de l'étendre et de l'assurer.
Il y va, dans cette responsabilité écologique, des valeurs proprement bibliques et évangéliques. Elles tiennent à la reconnaissance de cette terre comme création de Dieu, mais aussi comme lieu où veut se manifester déjà, par des gestes, des actions, des comportements, des paroles significatifs, le Royaume de Dieu annoncé par les prophètes et par Jésus. L'engagement écologique est aussi l'occasion pour le chrétien de rendre témoignage, d'une manière concrète, d'une autre forme de société,
plus solidaire et plus fraternelle, où les relations entre hommes ne sont pas réduites à des relations de puissance et où le bien-être matériel n'est pas le suprême idéal. Tous sont appelés, dans la foi au Christ, à devenir et à être des signes du Royaume et ainsi des coopérateurs dans l'œuvre de création tendue vers ce but.
Ce texte a été rédigé, avec la collaboration de A. Marx, par G. Siegwalt et édité à l'initiative de la Commission de formation biblique et théologique de l'Église de la Confession d'Augsbourg et de l'Église Réformée d'Alsace et de Lorraine.

Cet article provient du site de Protestants.org (http://www.protestants.org)

DU JARDIN THÉORIQUE AU JARDIN BIBLIQUE


Les pistes de réflexion - la liste n'est pas exhaustive ! - que nous suggérons ici pour bien « cultiver le jardin » sembleront peut-être un peu utopiques, voire simplistes… L'idéal à atteindre est élevé ; il s'apparente même à la quadrature du cercle, si l'on cherche à satisfaire toutes les conditions du « développement durable », parfois contradictoires…

Ne négligeons pas les petits commencements : la mise en pratique des recommandations bibliques ou de nos gouvernements commence par des gestes très simples qui visent à préserver la création dans notre univers quotidien.

Nous pouvons :

  • Résister aux tentations de la publicité, de la mode, du matérialisme ! et en revanche nous contenter davantage de ce qui est nécessaire et non superflu pour vivre : n'hésitons pas à marcher à contre-courant ! Revenons à un style de vie plus modéré… Évitons de tomber dans les pièges de la civilisation des loisirs, du divertissement (la diversion est contraire à la conversion !). Exerçons notre esprit critique, notre discernement humain et spirituel, et n'ayons pas peur de remettre ainsi en cause les modèles dominants… Tout est permis, sans doute, mais tout n'est pas utile, loin de là !

  • Réduire notre consommation et marcher davantage ou utiliser nos vélos, les autobus et les autres transports en commun. Nous pouvons aussi réduire notre consommation d'électricité (éviter de laisser allumés les lumières et les appareils non indispensables !) ou d'eau potable (ne pas la laisser couler en vain !). Un effort particulier est entrepris pour aider les agriculteurs (70% de la consommation d'eau) dans ce domaine.

  • Consommer de façon « intelligente » : privilégier si possible les produits de saison et locaux (réduction des coûts et de la pollution due aux transports), l'écotourisme, etc.

  • Lutter contre la pollution domestique et pratiquer le tri sélectif des déchets en vue du recyclage (à condition que des filières de recyclage existent, soient bien organisées et rentables) et inciter nos autorités locales dans ce sens.

  • Réduire l'utilisation souvent excessive des insecticides, des herbicides et des engrais chimiques, dans certains cas totalement inutiles : avis aux jardiniers amateurs ! Mais cela reste vrai à toutes les échelles, l'agriculture intensive est aussi concernée…

  • Favoriser le développement des énergies renouvelables (solaire, éolienne, hydro-électricité, etc.), mais est-il réaliste de tout en attendre ? L'énergie nucléaire restera très probablement indispensable, il importe donc de favoriser la recherche pour mieux la maîtriser…

  • Développer l'éducation, la sensibilisation à l'environnement, en particulier auprès des jeunes, dans le cadre du catéchisme, par exemple.

  • Prendre place dans le débat politique (gestion de la cité) : rien ne nous empêche de faire entendre notre voix auprès des autorités locales, régionales ou nationales, pour les encourager à prendre des mesures saines visant à protéger l'environnement.

  • Etre sensible à la situation des pays du « Sud », où les risques de pollution et de surexploitation sont accrus à cause de l'absence de réglementation locale, du manque de moyens pour lutter efficacement, et à cause de l'appétit parfois démesuré de grands groupes industriels.

  • Rechercher des solutions adéquates par le biais d'œuvres ou de missions chrétiennes, et favoriser, par exemple, le « commerce équitable » ou le microcrédit.

• Aborder ce sujet lors d'un débat dans nos églises et trouver ensemble des solutions pratiques à notre portée, y compris pour nos projets de construction ou de rénovation de nos bâtiments (économies d'énergie), nos repas communautaires, etc. Frédéric BAUDIN

DOSSIER ENVIRONNEMENT • PAGE 5   http://www.selfrance.org/uploads/media/Les_jardins_de_Dieu.pdf

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